Peintre et graveur sur bois, Louis-François Decoeur est né en 1884 à Namur. Il développe ses dispositions artistiques en dehors de l’académie. Il pratique à la fois la figure et le paysage. Ses nus, extrêmement simplifiés, aussi chastes que sommaires, présentent une noblesse rudimentaire. Dans ses paysages, ses natures mortes, il retrouve ces teintes fines. De puissantes lignes constructives et des forces de mise en page caractérisent le faire de cet artiste, qui s’exprime en verbe moderne et excelle surtout à donner de belles valeurs à des natures mortes, traduites en palette sobre et où la richesse des tons bruns s’oppose aux douceurs des grisailles enveloppées d’atmosphère. A partir de 1910, il expose aux Indépendants. Il devient aussi membre de L'Effort et y rencontre les fauves brabançons. Pendant la guerre, il prend part aux différentes expositions à La Panne et au Havre. Après l’armistice, il participe à plusieurs salons triennaux à Anvers, Liège et Gand, ainsi qu’à de nombreuses expositions collectives. Des expositions particulières de ses œuvres ont lieu à Sélection en 1922 et à la galerie Manteau en 1924.

« Decoeur traduit une vision ingénue, subtile et discrète de la nature changeante. Son lyrisme est contenu, ses émois mesurés. Ses notations patientes et laborieuses gardent toutefois une fraicheur délicate, telle d’une romance à mi-voix murmurée. »

Il est principalement connu pour ses scènes rurales de la vie paysanne. La campagne autour de la capitale l'inspire tout au long de sa vie. Il peint des scènes rustiques tel que le travail du fermier dans les champs. Son style synthétique évolue vers un expressionnisme qui rappelle parfois l’œuvre de Jean Brusselmans. Il se caractérise par des contours très nets. L'expressionnisme est un mouvement moderniste né en Allemagne au début du 20e siècle. Sa spécificité est de présenter le monde uniquement d'un point de vue subjectif, en le déformant radicalement afin d'évoquer des émotions, des humeurs ou des idées. Tout, chez Decoeur, réduit aux lignes et aux couleurs qui ont quelque chose à dire. Ainsi, ses Arracheurs de pommes de terre offrent des attitudes simples près d’un cheval et d’une charrette. Rien ne heurte ici. C’est la vie profonde et douce de la terre. Dans un petit Café, où quelques-uns d’entre eux jouent au billard, des habitués simplifiés jusqu’à montrer leurs intentions seulement. Les couleurs chantent autour du tablier blanc de la serveuse. Doucement lumineux les carreaux d’une porte vitrée animent le fond. Dans La rue, toutes les vies sont emmêlées pour former la vie. A l’avant-plan, deux personnages représentent des conceptions opposées : d’un côté, le jeune homme naïf, de l’autre, le visage usé d’un marlou. Derrière, des véhicules et les faces anonymes de la foule grouillante : une marchande de journaux, des couples, etc. Dans la peinture de Louis-François Decoeur, la psychologie des gens et des choses est interprétée d’une façon simple et cordiale. L’artiste chante la douceur des hommes et des choses. Chez lui, tous les instincts en lutte sont apparemment oubliés. Son art est si sobre et naïf qu’il fait croire à l’universelle beauté, à l’universelle bonté. Il s’y trouve quelque chose de passif, de tendre, de chaud, de contenu, de très discret : quelque chose qui charme profondément. Louis-François Decoeur s’éteint en 1960.

« N’y a-t-il pas dans ces masses stables, dans ces couleurs sourdement et fermement orchestrées, dans cette simplicité péremptoire de la présentation, un caractère à la fois inattendu et logique, qui annonce la découverte de notre temps, le nouvel équilibre tout gonflé d’émotions inconnues. »

 

Burniaux, C., 1926. Savoir et beauté, Revue interprovinciale d’art et d’enseignement. 6e année – N°1 – Janvier 1926. Bruxelles : Comité interprovincial de Patronage.

Piron, P., 2003. Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècle. Ohain : Art in Belgium.