- Nébuleuse
Nébuleuse
Bronze poli et patiné sur socle en marbre noir de Mazy
Signature et tirage dans le bas : JP. GHYSELS – 1/5
Circa 1969
27 x 13,5 x 11 cm

Jean-Pierre Ghysels

(Bruxelles 1932 - )
  - Nébuleuse
Nébuleuse
Bronze poli et patiné sur socle en marbre noir de Mazy
Signature et tirage dans le bas : JP. GHYSELS – 1/5
Circa 1969
27 x 13,5 x 11 cm

Œuvres

Jean-Pierre Ghysels - Contraste
Jean-Pierre Ghysels - Rivage

Biographie

Jean-Pierre Ghysels est un sculpteur belge né à Uccle le 20 septembre 1932. Il suit une formation en travail du cuivre (dinanderie) et en orfèvrerie à l’École d’Art de Maredsous. En 1953, après avoir obtenu son diplôme, la Communauté française lui offre une bourse d’études qui lui permet de suivre les cours d’Ossip Zadkine[1] à l’Académie de la Grande Chaumière, et les cours de taille directe dans l’atelier de George Saupique aux Beaux-Arts à Paris. Aussitôt après, il obtient la commande de sa première sculpture monumentale, le Calvaire, qu’il place à l’entrée de l’hôtel communal de Rixensart en Belgique.[2] En 1955, son service militaire terminé, il installe son atelier au 100, rue Marconi à Bruxelles. En 1957, Jean-Pierre Ghysels remporte le prix Godecharle[3] grâce auquel il peut s’acheter une 2 CV avec laquelle il part en l’Inde et au Népal en passant par le Liban. Là-bas, il peint des fresques pour la chapelle des Pères blancs de Rayak et illustre, à Beyrouth, le Liturgicon, premier missel[4] de rite byzantin.
« Que m'a apporté ce voyage ? En plus du travail que j'ai effectué dans divers pays, avec le recul du temps je pense surtout qu'il m'a ouvert les yeux sur le monde, a fait tomber des préjugés que l'éducation judéo-chrétienne, par trop rationnelle, avait fait naître en moi. J'ai vu que notre façon de penser, de sentir, n'était pas unique et pas nécessairement la bonne. Qu'ailleurs, les hommes pouvaient envisager les problèmes d'une autre façon et apporter d'autres solutions. Que le monde arabe, le monde persan, le monde indien, avaient une pensée souvent bien plus profonde que la nôtre et que leur intuition du monde, depuis les temps les plus anciens, leur donnait une philosophie, une spiritualité, bien moins tributaires des valeurs matérielles que chez nous. […] Ce voyage fut pour moi une grande ouverture sur les hommes et les choses et je pense, encore aujourd'hui, que sans cette expérience, ma vie et mon travail n'auraient pas été les mêmes.
Plus tard, à Delhi, il retrouve celle qui allait devenir sa femme et ils se marient à Kathmandou en décembre 1959. Son épouse, Colette, est passionnée d’ethnographie et suscite un nouvel intérêt chez son mari pour l’art tribal et les bijoux ethniques. Ensemble, ils ont trois fils : Marc, Éric et David. Dès son retour en Belgique en 1960, il réalise des œuvres monumentales comme Espace et Bas-relief pour l’Institut Royal du Patrimoine Artistique (I.R.P.A.). Il obtient de nouveaux prix : le Grand Prix de la sculpture de plein air de Belgique de la Maison d’Erasme (1960), le Prix Louis Schmidt (1961), le Prix Égide Rombaux (1967), le Prix Olivetti-Belgique et les Prix Renault (1968) et Lucas Bols. Les sculptures de Ghysels sont en cuivre battu, en bronze brut, poli, patiné, satiné ou en laiton fondu. Elles sont toutes en rondeurs. L’artiste belge résume ce que représente la sculpture pour lui : « sculpter est, parmi ce que je fais, ce qu’il y a de plus complet. Mes mains, ma tête, mon cœur, mon corps y trouvent leur joie. C’est un métier d’artisan, cela équilibre l’homme. »
Sa première exposition personnelle a lieu en octobre 1966 à l’Office provincial du Brabant à Bruxelles. Il y présente, entre autres, sa dernière sculpture figurative, Vague, ainsi que la première abstraite, Forme repliée, datant de 1965. Ghysels commence par sculpter des statues religieuses de style figuratif mais il s’oriente rapidement vers une abstraction aux courbes tendres, aux volumes ajourés laissant jouer l’ombre et la lumière. Il réalise ainsi des sculptures monumentales ou de format réduit, en plâtre, cuivre ou bronze, aux surfaces lisses, mates ou brillantes, avec certaines parties rugueuses.[5] Il prend part à de très nombreuses expositions collectives, notamment en 1958 à la Jeune Sculpture Belge et à l’Exposition universelle de Bruxelles, pour laquelle il réalise également une sculpture monumentale. En 1961, 1963, 1965 et 1969, il participe à la Biennale de sculpture de plein air du Middelheim Museum à Anvers, et en 1964-1965 à l’exposition itinérante Art d’Aujourd’hui en Belgique organisée par le Crédit Communal de Belgique. En 1961, il est sélectionné pour la 2e Exposition internationale de sculpture contemporaine organisée au musée Rodin à Paris. En 1967, il représente, avec d’autres, la sculpture belge au pavillon des Communautés européennes ainsi qu’au pavillon de Belgique à l’Exposition universelle de Montréal. Les œuvres de Jean-Pierre Ghysels sont exposées à Copenhague, Lausanne, Lisbonne, Moscou, New York et Johannesburg. On retrouve ses sculptures dans de très nombreuses collections publiques et particulières belges, et notamment au musée d’Art moderne de Bruxelles, au musée de sculpture en plein air du Middelheim à Anvers (Volubilis, 1967), au musée de l’Université de Louvain-la-Neuve (Héra, 1983) ainsi qu’à la Cité administrative de Bruxelles (Ovoïde, 1979), la Tour du Midi (Fontaine, 1967), l’Institut Royal du Patrimoine Artistique (I.R.P.A.) (Groupe et Composition décorative, 1962) et la station de métro Botanique à Bruxelles (The last migration I, The last migration II, 1977)[6]. Les collections de l’État et de la Communauté française possèdent plusieurs de ses œuvres à l’instar de sociétés ou banques telles que : la Banque nationale de Belgique, la B.N.P., la banque Degroof, I.N.G., la Continental Bank, la Deutsche Bank, la Morgan Guaranty Trust, la banque Dexia, de même qu’ExxonMobil, le Brussels International Trade Mart, le Groupe Josi ou le Service culturel de l’ambassade de Chine à Bruxelles. En 1971, Jean-Pierre Ghysels réalise Upward Ritual pour la Hyatt Corporation de Chicago, totem en cuivre battu d’une hauteur de 15 mètres. L’élaboration des sculptures de Jean-Pierre Ghysels est longue et complexe. L’artiste travaille d’abord une première ébauche en terre afin d’avoir un premier aperçu de l’agencement des volumes. Lorsqu’il a déterminé l’aspect final qu’il donnera à sa sculpture, il la réalise en plâtre. Cette version sert à la confection du moule dans lequel le bronze en fusion sera coulé. La sculpture démoulée est ensuite polie, puis sujette aux dernières finitions.[7] Cette technique diffère de celle de la sculpture en pierre ou en bois où la matière est progressivement retirée d’un bloc pour faire apparaître une silhouette. Ghysels recherche, à travers l’abstraction, une expression poétique. Sa démarche entre en résonance avec une tendance artistique qualifiée d’ « abstraction lyrique ». Ce courant est un « genre d’expression artistique dans lequel les représentations de la réalité sont remplacées par des formes correspondant à l’état d’âme poétique, dramatique ou mystique d’un artiste »
 « Sculpteur à partir de l’argile jusqu’au bronze, orfèvre voyageur à la recherche de ses pairs, sages et sorciers, qui connaissent la mise au monde par l’incandescence, il s’est mis à l’abri de ce qu’il fait, de ses espaces d’idées. Il s’est réfugié à l’intérieur. […] Chaque étape est longue et minutieuse, du moule en cire perdue ou en sable, du premier châssis qui est une fausse couche, du noyau qui est en sable battu, en passant par toutes les opportunités tant prévues qu’accidentelles ou inconscientes. Dans une sphère, les gestations n’ont pas de date. Très peu de dessins précèdent la réalisation. Des maquettes apparaissent en terre ou en plâtre, transposées ensuite en bronze ou en cuivre battu. L’œuvre prend forme comme des tissus cousus. Enfin, le travail devient une sculpture. […] Des formes s’incrustent les unes dans les autres. Formes éclatées. Formes évanescentes. Formes verticales et circulaires, compactes ou étalées. Intimistes et ouvertes. Formes à la fois denses, fluides et légères. Formes violentes, infinies, séductrices. Formes concises ou clivées. Ainsi peut être inventé un autre monde qui raconte ses origines dans toutes les étapes de sa genèse, dans ses coins secrets où le jeune orfèvre se cachait parce qu’il n’aimait pas aller à l’école, parce qu’il respirait mal, parce qu’il aimait dessiner. Ainsi est née la nécessité de trouver un nouveau langage qui résiste aux fragilités du corps, qui les exprime en leur faisant face. »
Jean-Pierre Van Tieghem
Jean-Pierre Ghysels manifeste une certaine révérence à l’égard des techniques classiques ; du lent façonnage artisanal qui favorise la cohérence des œuvres et d’une inspiration de plasticien soucieuse d’atteindre le niveau des formes « profondes ». La vie les pénètre d’autant plus sûrement, ces œuvres, que l’exécution s’associe intimement au spirituel et au matériel. L’outil modèle, creuse, arrondit, ajoure, affine sous la dictée d’une sensibilité formelle et d’une sensualité plastique évidentes. Une telle concentration écarte les morphologies violentes et les effets du hasard en faveur d’acceptations opposées : l’équilibre des proportions, les nuances d’épaisseurs, la mesure des rythmes, l’harmonie des polissages et des patines. Dans son travail, une ferveur rayonne, pareille à la lumière qui parcourt les modulations étincelantes des objets. « Sans lumière, pas de sculpture », dit Jean-Pierre Ghysels. Sans ombre non plus. Car si la lumière éclaire les apparences, fait en sorte que tout ce qui est donné à voir est évident, l’ombre y apporte ses correctifs, gommant ici ce que le jour fait voir sans mystère, apportant là, dans l’éclat du cuivre, l’indispensable zone de secret dont on attend que l’art en distribue les effets. Le sculpteur apparait ainsi comme une sorte de capteur des pleins et des creux, franchissant les structures formelles pour leur donner une seconde nature. Ou plutôt, dans le cas de Ghysels, créant une nature autre. Voilà qui explique cette démarche qui part du rien pour aboutir au tout, à travers la présence même du sculpteur : « J’entre dans mon atelier l’esprit vide de préjugés de sculptures, mais plein du désir de mêler devant moi la matière et l’espace et d’assister au spectacle du devenir de cette matière entre mes doigts. Chaque geste a son importance car il détermine un axe, un volume, une courbe, une géométrie interne, qui vont imposer leurs lois à toute la sculpture. L’œil contrôle, établit des rapports, tandis que l’esprit, comme par intuition précède le geste, imagine les volumes et suscite la forme. La matière, témoin vivant de ces échanges et de cette volonté, vit dans la lumière et réagit aux multiples impulsions. Le dialogue tout entier entre l’homme, la matière et l’espace. » Ce recours à la spiritualité s’accompagne, chez Jean-Pierre Ghysels, d’un instinct puissant de la forme. Cette double préoccupation détermine les phases successives d’une œuvre essentiellement plastique animée par un noyau de lumière. Peu d’arêtes, beaucoup de courbes, une certaine austérité de relief, toute une manière d’être qui allie tendresse, harmonie et ténacité.
En 2006, l’artiste est élu membre de l’Académie royale de Belgique, classe des Beaux-Arts, en remplacement de Jacques Moeschal. Depuis plus de quarante ans, Jean-Pierre Ghysels vit à la campagne près de Bruxelles.
[1] « J’ai eu pour professeur de sculpture Zadkine. Sa première leçon consistait à vous mettre un balai entre les mains. C’était une leçon pour la vie. »
[2] « Quand on fait une sculpture monumentale, en regardant le sommet on peut oublier la base ; notre champ de vue est si petit. C’est pourquoi j’aime les maquettes que mon regard englobe dans leur totalité. Cela n’empêche pas de la voir en grand. »
[3] Ce prix est décerné à de jeunes sculpteurs, peintres et architectes sous la forme d’une bourse qui doit être consacrée à des voyages d’étude.
[4] Livre liturgique qui contient les prières et les lectures de la messe pour l'année entière.
[5] « La musique du marteau sur le bronze, la pierre, le bois, rythme la vie du sculpteur. J’aime les vieux outils qui montrent le sens du travail. Ils portent l’empreinte de la tradition, ils sont le langage de la main et les témoins du travail accompli. Que d’histoires racontent les outils. »
[6] « Enfoui sous terre, le monde du métro a définitivement oublié le ciel, le soleil et les arbres. Seul, concerné par la rapidité et ses problèmes, l’homme s’y déplace. Pour lui, j’ai tenté de trouver une transposition du vol de l’oiseau, symbole de liberté. »
[7] « Une sculpture en bronze, pour exister, doit passer six fois par les stades positif-négatif. Que de risques et d’amour pour la mener à bien. »
 
Références bibliographiques
Brys-Schatan, G. Mordre l’espace, c’est épouser l’infini.
Meuris, J., 1977. Ghysels, mars 1977, Galerie Charles Kriwin, Bruxelles.
Mortier, F., 2002. Regards sur Jean-Pierre Ghysels, sculpteur ou l’art d’aimer. Paris : Art tribal.
Ministère de la culture française, 1970. Sculpture d’aujourd’hui jardin d’Annevoie, 29-03 – 1-10-1970.
Schuermans, D. & Evrard, J-J., 2012. Lasne, Au-delà des clichés. A la Découverte de ses artistes, écrivains et personnalités historiques. Lasne : Le Carré Gomand Éditions.
Sosset, L-L., 1970. Jean-Pierre Gysels, du 2 octobre au 6 novembre 1970, Galerij Jeanne Buytaert, Anvers.
Van Tieghem, J.-P., 2007. Ghysels - Une Esthétique de L'Espace. Milan : 5 Continents Éditions.